Témoignage : Bientôt 40 ans… et terrorisée
Texte par Jennifer Martin
En mai, je soufflerai 40 bougies.
Deux fois la vingtaine passée, près de 15 000 jours et 360 000 heures.
Après avoir traversé l’enfance, l’adolescence et la jeunesse, me voilà approcher dangereusement de la vieillesse avec la peur au ventre et le poids des années qui commencent à me faire courber le dos.
Certains disent « La vie commence à 40 ans ».
Moi, je me répète plutôt en boucle : « Ne crois plus personne à partir de 30 ans ».
Peu importe ce qu’on essaiera de me faire croire, je persiste à craindre cette dizaine plus que tout. Et je ne parle même pas des suivantes.
Pour moi, avoir 40 ans, c’est atteindre un palier. Une séparation radicale entre ma jeunesse et ma vie d’adulte. Ça rime avec l’approche de la ménopause, le dérèglement des hormones, les changements, l’acceptation de qui je suis et de celle que je ne suis pas. Ça sonne comme une préparation désagréable pour les années à venir.
Le jour de mes 39 ans, je me suis même dit que c’était la dernière fois que j’allais dire mon âge. À partir de maintenant, je laisserais les gens deviner. Sans leur dire s’ils ont raison ou s’ils ont tort. Un genre de déni préfabriqué dans lequel j’allais me réfugier pour les prochaines années.
J’allais ignorer les signes.
Mettre juste plus de fond de teint pour cacher mes taches et mes rides, tout en continuant à me barbouiller les lèvres de couleurs vibrantes. Continuer à utiliser les 1001 crèmes rangées dans ma pharmacie et qui ne font que ralentir un brin la progression de l’affaissement de ma face.
Je vais aussi manger plus de légumes verts tout en continuant à cacher des jujubes dans ma sacoche.
J’allais ignorer mes muscles qui craquent quand je sors du lit. Et continuer à croire que je serais capable de faire le chemin de Compostelle les deux doigts dans le nez malgré une cheville déficiente.
Ma phase déni risque d’être intense à plusieurs niveaux.
Mais pourquoi j’ai aussi peur de franchir ce cap qu’on banalise de plus en plus en disant que 40 est le nouveau 30?
Il y a plusieurs raisons, je crois.
Techniquement, l’espérance de vie d’une femme née en 1982 est de 78,7 ans. Ce qui veut dire que je serais rendue à plus de la moitié de ma vie. Comment est-ce possible? Ma bucketlist a encore tellement d’objectifs non cochés. Je n’ai pas encore vu la plupart des pays encerclés sur ma carte du monde.
JE NE PEUX PAS ÊTRE RENDUE À LA MOITIÉ DE MA VIE sans avoir si peu accompli de choses à mes yeux.
Je dis bien à mes yeux, parce que je sais très bien qu’aux yeux de autres je n’ai pas à rougir de mes accomplissements jusqu’ici.
J’ai aussi peur d’atteindre 40 ans parce que ça me rapproche du moment où mon fils quittera la maison. De l’instant où il me laissera seule avec mes inquiétudes maternelles qui ne se seront pas atténuées avec les années. Si tu veux m’achever, rappelle-moi qu’il est possible que je devienne aussi grand-mère au cours de cette décennie. Me faire appeler mammyavant d’atteindre la cinquantaine, j’pense que je pourrai pas gérer ça.
De plus, avoir 40 ans c’est aussi faire son entrée officielle dans le clan des madames. Ça me fait déjà mal d’être perçue comme tel… Je grince des dents quand on utilise cette expression pour s’adresser à moi, mais atteindre la quarantaine c’est comme recevoir le titre officiel sans possibilité d’objection.
40 ans = madame
Y a rien que tu peux dire ou faire qui va changer ça. C’est une perception universelle bien ancrée dans la collectivité.
Il y a aussi la grande nostalgique que je suis qui a beau se dire qu’elle est contente d’être rendue où elle est dans la vie, les années passées ont défilé si vites que je payerais cher pour revenir en arrière et les revivre au ralenti. Est-ce que ce n’est pas un autre signe de vieillesse que de commencer à parler de son passé avec une certaine mélancolie?
Bref, je vois la quarantaine arriver et je panique.
J’ai l’impression que le grand compte à rebours s’amorce et qu’il n’y a qu’une issue fatale qui m’attends à la fin de celui-ci. Je ne peux pas croire que mes plus belles années sont derrières moi. Je refuse. Je dois absolument m’accrocher au fait que la vie me réserve encore plusieurs belles surprises.
Que se passera-t’il le jour où je vais officiellement me lever avec mes 40 printemps dans les talons et que ça s’avèrera être simplement une journée comme les autres? Est-ce que je vais être déçue, pleine d’espoir, soulagée? Est-ce que je vais me sentir vieille, déprimée, juste heureuse d’être en vie?
Une chose est sûre, je me donne encore quelques mois pour essayer d’être sereine.
Et pour y croire.
Y croire que 40 c’est juste un chiffre.